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LA SCOUINE

fut prêt plus tôt, elle graissait chaque samedi les chaussures de son frère, ce qui épargnait un peu de temps le dimanche matin.

Comme le curé n’était pas d’humeur commode, la Scouine se rabattait sur le vicaire. Quelquefois, le prêtre se promenait sur la véranda, lisant son bréviaire, en attendant l’heure de l’office, mais il entrait dès qu’il apercevait la visiteuse, car il avait honte d’être vu avec elle, et il se cachait, se dérobait. Certains jours, la Scouine réussissait à l’accrocher. Elle lui racontait les histoires, les scandales qu’elle grossissait et aggravait invariablement. Pour finir, elle lui demandait une image, une médaille. En partant, en manière de bonjour, elle lui donnait familièrement un tape sur le bras, sur l’épaule. Chacune des visites de la Scouine était pour le malheureux une dure épreuve. Il ne pouvait réussir à s’en débarrasser.

Un jour, elle lui apporta un sac de noix. Le dimanche suivant, lorsqu’elle revint, le prêtre lui dit qu’il lui voulait lui causer une surprise, et il lui remit une boîte soigneusement ficelée en lui recommandant de ne l’ouvrir qu’à la maison. Elle contenait les écales des noix données la semaine précédente. Cela cependant n’était pas pour rebuter la vieille fille qui n’en continua pas moins ses visites au presbytère.

Le vicaire lui conseilla d’entrer dans la confrérie des Enfants de Marie. Un mois plus tard, elle était admise. Ce fut là pour la Scouine une vive satisfaction et son rang social s’accrut de ce fait à ses yeux. Elle avait la conviction d’avoir acquis de l’importance. La Scouine s’acheta une robe en mérinos gris, et lorsqu’arriva le jour de l’examen à l’école du rang, elle se crut obligée d’y assister comme spectatrice avec les commissaires. L’occasion