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XXIX.



LA vie avait marché. Autour de Deschamps des vieux étaient morts, d’autres tout gris et courbés étaient partis avec leurs meubles aussi usés qu’eux-mêmes pour aller vivre le restant de leurs jours au village, près de l’église. Des jeunes avaient abandonné la maison paternelle, s’étaient mariés, élevaient à leur tour une famille. Des enfants poussaient.

Depuis longtemps Raclor et Tifa étaient établis sur les terres que Deschamps avait achetées pour eux à côté de la sienne. Malheureusement, Tifa devenu veuf buvait, et son bien était grevé d’hypothèques. Bientôt, sonnerait l’heure où il lui faudrait partir. Régulièrement, il s’enivrait une couple de fois par mois. Il faisait alors des marchés désastreux, endossait pour des amis des billets qu’il était obligé de payer à leur échéance. Au lendemain de ces fêtes, Tifa montait dans son grenier, où à son retour des funérailles, il avait accroché les robes, les chapeaux et tout le linge de sa femme — de la défunte Rosalie — comme il avait coutume de dire. Là, au milieu de tous ces souvenirs du passé, il prenait la ferme résolution de ne plus toucher à un verre, mais seulement pour succomber à la première occasion.

Raclor, lui, avait une femme d’une dévotion outrée, qui lui faisait faire beaucoup de mauvais sang. Un jour de printemps, pendant les semailles, et alors que les travaux pressaient le plus, Raclor