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LA SCOUINE

min et se rendit à la grange. Las, épuisé, il s’adossa à la bâtisse en ruines, songeant à des choses vagues, confuses. Au bout d’un certain temps, il se leva, prit la bêche que le Schno avait déposée là une couple d’heures auparavant et s’éloigna. Après avoir fait deux cents pas environ, il rencontra les corps de deux petits cochons morts en naissant, il y avait deux jours. À grands coups de bêche, Piguin tailla dans l’un des cadavres. Il s’assit ensuite par terre et se mit à dévorer à belles dents cette charogne immonde, mêlée de boue. Après avoir de la sorte quelque peu apaisé son appétit, il gagna encore du côté du champ jusqu’au pacage des vaches. Celles-ci étaient couchées. Il en fit lever une, puis se mettant à genoux, il prit l’un des pis et le pressant, but avidement le filet de lait chaud. Cependant, comme il n’y avait que peu de temps que la bête avait été traite, la source fut vite tarie. Son repas terminé, Piguin retourna à la grange où il trouva son frère râlant sur le foin. Piguin regarda ce camarade de souffrance et une expression de surprise parut sur sa figure de l’entendre se plaindre ainsi. Il se coucha toutefois lui aussi sur le foin et s’endormit.

En allant pour éveiller les deux fous le lendemain, Tofile aperçut le Schno qui se plaignait toujours. Il voulut le faire lever, mais ce dernier ne put réussir à se mettre sur ses jambes. Tofile le voyant malade le laissa là et alla à sa besogne avec Piguin.

Le Schno continua de gémir et mourut dans l’avant-midi, comme une vieille rosse fourbue. L’insolation dont il avait été frappé la veille l’avait tué.

Il était maintenant là immobile dans la grange,