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LE PHILANTHROPE


C’était un brave homme qui était consumé par l’amour de l’humanité. Dans sa jeunesse, il aurait donné sa vie, dix vies pour assurer le bonheur de l’humanité. L’humanité, ce mot le faisait vibrer dans tout son être, le remplissait de ferveur, d’un immense besoin de dévouement. C’était le plus beau mot qu’il connaissait. Peu à peu cependant, et avec les années, dans cette multitude anonyme qui peuple la terre, il avait fait une sélection, il s’attachait à un groupe d’êtres qu’il jugeait supérieurs aux autres, des êtres d’élite qui lui paraissaient infiniment dignes d’estime et d’admiration. Il leur avait voué toute son amitié et tout son dévouement. Rien ne pouvait le rendre plus heureux que de leur être utile, leur rendre service.

Un après-midi de fin d’hiver, il travaillait fébrilement dans le bureau où il était employé, afin de terminer pour quatre heures la besogne accumulée devant lui. Jamais il ne voulait remettre au lendemain la plus petite tâche et il se hâtait comme toujours pour finir son travail et s’en aller en paix. À ce moment, le timbre du téléphone placé à côté de lui résonna.

— C’est vous, Dumas ? fit la voix à l’autre bout de la ligne, lorsqu’il eut répondu.

— Ah ! comment allez-vous, mon cher Lamer ? fit Dumas reconnaissant la voix de son ami.

— Ça va, mais je me sens un peu démoralisé et j’aurais besoin de vous voir, de causer avec vous pour me remettre. Il me semble qu’il y a bien longtemps que je ne vous ai vu. Que ne venez-vous un moment après votre travail ?