Page:Laberge - Images de la vie, 1952.djvu/64

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

DÉPART EN MUSIQUE


Le petit-fils de la vieille Hogue est mort.

L’enfant était né très faible et il avait toujours été chétif, malingre, souffreteux, mal en point. Il s’est rendu à cinq mois puis un matin, sa mère l’a trouvé sans vie dans son berceau.

Alors, la grand-mère Hogue qui fait des journées à droite et à gauche comme femme de peine, est allée voir le curé pour s’entendre au sujet du service religieux.

Dès les premiers mots, le curé, paternel et brave homme, lui a dit :

— Ne vous tracassez pas, Mme  Hogue. Si vous voulez l’amener à l’église je lui chanterai un Libéra et ça ne vous coûtera rien.

La figure de la femme prit une expression offensée.

— Mais, monsieur le curé, nous ne voulons pas l’enterrer comme un chien. Nous voulons avoir un service, insiste la grand-mère.

— Oui, oui, amenez-le à l’église. Il y aura une petite cérémonie et vous n’aurez pas un sou à débourser, assure le curé qui sait que la vieille femme gagne sa pitance à laver des planchers chez les autres et à faire des ménages.

— Mais, monsieur le curé, vous nous prenez pour des quêteux. Je veux un service, un vrai service, pas des simagrées.

— Écoutez, Mme  Hogue, l’enfant n’a pas besoin de ça pour aller au ciel. C’est déjà un petit ange au paradis. Néanmoins, je peux dire la messe si vous le désirez, mais il n’y aura pas de chantres, car ils sont occupés et je ne saurais les réunir. D’ailleurs, pour un enfant de cinq mois, ce serait une extravagance.