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LE MANTEAU VERT


En visitant le grand magasin à rayons où elle allait souvent passer une heure l’après-midi, Mme Demers aperçut un manteau d’automne en drap vert avec collet d’écureuil qui lui plut beaucoup. Incontinent, elle l’acheta. Et le samedi suivant, elle l’endossa lorsqu’elle partit en automobile avec son mari pour aller passer la fin de semaine à Laval-sur-le-Lac. Or, le dimanche, rencontrant au club de golf son amie Mme Paiement : Comment trouves-tu mon manteau ? demanda-t-elle.

L’autre l’examina un moment.

— C’est un beau manteau, mais il me semble qu’il ne convient pas à ton teint. Moi, à ta place, je l’aurais pris gris ou beige.

— C’est ton avis ?

— Moi, je t’exprime mon goût, mais les goûts, tu sais…

« Bien certain que c’est le dépit qui la fait parler ainsi parce que ça fait trois ans qu’elle porte le même manteau gris », se dit en elle-même Mme Demers.

Mais néanmoins, la simple remarque de son amie lui avait gâté son manteau. Il ne lui plaisait plus. À quelques semaines de là, sa servante Ernestine lui demanda une journée de congé pour assister au mariage de sa sœur. Comme la fille était sur le point de sortir, Mme Demers remarquant le pauvre vêtement qu’elle avait sur le dos lui dit :