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IMAGES DE LA VIE

ment, de toute psychologie, de tout sens et gonflés de l’importance qu’ils croyaient avoir.

Au temps de la découverte de fabuleux gisements d’or au lointain Klondyke, des milliers d’aventuriers se ruèrent vers le Yukon glacé, attirés là par l’appât de fortunes colossales. Avec la prohibition, il n’était pas nécessaire d’aller si loin pour récolter les millions. Ils étaient là dans la ville même, dans les poches de cette multitude qui avait soif et qui était prête à payer de gros prix pour pouvoir se désaltérer. Al Capone, un aventurier comme il y en a tant dans l’histoire, vit là sa chance. Résolument, il se lança dans le commerce de l’alcool. Entreprenant, audacieux, dénué de scrupules, il brassait rondement les affaires. Al Capone était le général d’une armée de vendeurs. Il s’était adjoint des lieutenants de sa trempe qui ne reculaient devant rien pour éliminer la concurrence et assurer à leur chef, sinon le monopole, du moins la suprématie dans le commerce des liqueurs alcooliques. Ils y réussirent. Des crimes furent commis, mais malgré tous ses efforts, la police ne put jamais rattacher Al Capone à aucun de ces meurtres. Les lieutenants et ceux qui travaillaient sous leurs ordres étaient grassement payés. Ils ambitionnaient encore davantage et étaient prêts à tout. Faut-il tenir Al Capone responsable de leurs actes ?

La prohibition était devenue une farce ridicule car le peuple consommait plus d’alcool qu’au temps où la vente en était autorisée. Al Capone récoltait des millions. On a dit et répété qu’en certaines années, il a fait 25 millions de profits. On lui intenta des poursuites pour avoir évité le fisc, pour ne pas avoir payé son impôt sur le revenu. Il versa alors diverses sommes et peut-être n’aurait-il pas été inquiété davantage, s’il n’avait commis l’erreur de se mettre trop en évidence. Lorsqu’on le vit un jour dans une loge à une grande partie de football qui avait attiré les sommités du monde officiel, social, financier et sportif, on fut choqué de cette impudence, on fut humilié, vexé, de voir ce gangster enrichi se mêler à l’élite de la société. On le coffra. Son affaire était bonne. Il fut traduit en justice sous l’accusation d’avoir fraudé le gouvernement, de ne pas avoir payé son impôt sur