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IMAGES DE LA VIE

EXIT AL CAPONE


Ceci n’est pas l’oraison funèbre d’Al Capone. C’est simplement le cri d’une conscience que révolte l’injustice ; c’est une voix obscure et sincère qui s’élève pour s’inscrire contre l’énorme raz de marée d’ordures que certains vidangeurs de la presse américaine, si empressés à encenser les crapules officielles, ont fait rouler sur la tombe de celui qu’ils qualifiaient jadis d’ennemi No 1, de roi de la pègre et de chef des gangsters. Toutes ces épithètes et une litanie d’autres du même genre ont été rééditées à l’occasion de sa mort. Son grand crime ? Celui de ne pas avoir partagé avec le gouvernement américain les énormes profits, les millions qu’il avait faits au temps de la prohibition en vendant à des prix fantastiques les liqueurs alcooliques que réclamait la grande masse du public.

Des utopistes, des têtes sans jugement, dénuées de tout sens commun qui dirigeaient alors les destinées de la république voisine avaient cru bon de supprimer, comme ça, par une proclamation, par un trait de plume, la vente de l’alcool. Du jour au lendemain, l’on voulait imposer à une population de 120 millions de personnes le régime de la tempérance. Cette loi allait absolument à l’encontre du sentiment populaire comme le démontra abondamment le commerce illicite des liqueurs qui se déclencha alors. En dépit de la loi et, malgré la loi, le public assoiffé voulait boire. Dans la seule ville de New-York surgirent en quelques mois près de 75,000 de ces débits clandestins que l’on qualifiait de speakeasy et où hommes et femmes se rencontraient pour étancher leur soif et pour apaiser d’autres passions. Al Capone fut le produit direct, naturel, de cet état de choses créé par la stupide prohibition, décrétée par des hommes privés de tout juge-