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IMAGES DE LA VIE

La société cependant continuait d’exister. Elle continua jusqu’au jour où l’un des dix qui n’avait jamais rien contribué au fonds commun, mais qui y avait régulièrement puisé avec les autres, prit la dernière guinée pour s’acheter des chaussures, laissant le fondateur de la Société des Douze Apôtres se passer de souper.

La Société des Douze Apôtres de l’Art qui avait soulevé à son origine un si vif enthousiasme avait vécu. Comme tous les beaux rêves, elle n’avait pu résister à l’épreuve de la vie, de la dure réalité. Les Douze Apôtres se dispersèrent. Quelques-uns sont demeurés fidèles à l’art, d’autres, crevant de faim, se sont faits commerçants, et d’autres encore sont morts. Le Peintre-Poète, celui qui avait été l’âme du petit groupe, a conservé ses illusions, son cœur généreux. Et, à travers le monde, il va, pèlerin de l’Art, prêtre de l’Idéal, victime de la Chimère.