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IMAGES DE LA VIE

L’IRRÉALISABLE RÊVE


C’était un artiste ; un être épris d’idéal et de chimère. Il avait eu une enfance triste et pénible, mais la souffrance, le mal et l’injustice ne l’avaient pas aigri. Malgré tout, il était resté bon et doux. Pèlerin de l’art, il avait erré de pays en pays, porté ses pas fatigués sur toutes les routes. Ses œuvres étaient l’expression de son âme. Il peignait des figures du Christ empreintes d’une telle douceur et d’une telle bonté que ceux qui les voyaient avaient l’impression que l’image allait parler, allait dire les paroles du Sermon sur la Montagne. Il en faisait d’autres, chargées d’une telle tristesse, d’un tel accablement que l’Homme de Douleurs semblait ployé, écrasé, sous le poids des fautes de toute l’humanité. Souvent aussi, ses toiles se fleurissaient de délicieuses et séduisantes figures d’enfants. C’étaient de merveilleuses créations de rêves, gracieuses et charmantes, infiniment, des œuvres ne ressemblant à celles d’aucun autre artiste.

Et ceux qui le connaissaient l’avaient surnommé le Peintre-Poète. Or, un jour, ce pèlerin de l’art, ce chercheur de chimère, échoua à Londres, parmi sept millions d’hommes.

Inconnu, ignoré, sans ressources, l’étranger trouva cependant dans cette multitude énorme aux puissants appétits matériels quelques précieuses sympathies ; il rencontra quelques êtres avec lesquels il put fraterniser. Sa personnalité s’imposa à un petit groupe, ses œuvres, fleurs de rêve, poèmes de grâce, firent entrevoir à ses nouveaux amis un monde idéal.

Le Peintre-Poète réunit autour de lui quelques camarades épris eux aussi de beauté et de bonté. Et un jour, il leur exposa une idée qui lui était venue. Puisque tous, ils étaient des cœurs sincères, passionnément dévoués à leur art, et