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RÉFLEXIONS
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l’audace jointe à l’aplomb nécessaire pour la faire gober qui triomphe.

Du talent et de la sincérité, voilà les deux qualités que l’on doit exiger de l’écrivain.

M. Laberge, La Presse ne veut pas faire de peine à personne, me déclarait le sénateur du Tremblay, me dictant ainsi la ligne de conduite à suivre dans ma page de son journal. S’appliquer chaque jour à ne pas écrire une ligne ou un mot susceptible de faire de la peine à quelqu’un, quel idéal élevé pour un journaliste ! Autant être vidangeur ou policeman.

Alors que j’étais jeune garçon et que je récitais des Pater et des Ave en travaillant, je me disais que si je devenais prêtre un jour, puis évêque, je ferais ma tournée pastorale à pieds, avec une branche d’arbre en guise de crosse, que j’arrêterais à midi dans une maison et prierais qu’on me donne une croûte de pain pour apaiser ma faim et demanderais le soir la permission de coucher dans une grange. Et je jeûnerais tous les matins de l’année et coucherais sur le plancher nu de ma chambre. Mais les ans ont passé et je ne suis devenu ni prêtre ni évêque. Je prends trois bons repas par jour et me couche sur un matelas mœlleux. Mais si j’avais réalisé le rêve de ma jeunesse, l’on m’aurait sûrement arrêté et interné dans un asile d’aliénés. Le temps des saints est passé.