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Deux secondes plus tard et…


Comme le père se levait de table après le dîner, s’adressant à son fils, garçon d’environ neuf ans, il lui ordonna : « Cet après-midi, tu iras tirer de l’eau pour les vaches, au pacage ». Le fils inclina la tête, indiquant ainsi que l’ordre était compris et serait exécuté.

Donc, vers les trois heures, le garçon prit une chaudière qui coiffait un piquet à côté de la maison, et se dirigea vers le paturage à dix arpents de là. Quelques années plus tôt, le père avait creusé un grand puits, un puits de dix pieds de diamètre et de vingt-trois de profondeur. C’était un puits précieux, car même dans les périodes de sécheresse, il était toujours rempli aux deux tiers d’une bonne eau fraîche qui apaisait agréablement la soif. Le pacage était séparé du puits par une clôture à côté de laquelle était une grande cuve où les vaches allaient s’abreuver.

Le garçon prit le crochet en bois tout près et, avec sa chaudière, se mit à puiser de l’eau qu’il allait verser dans la cuve. Méthodiquement, sans hâte, il descendait sa chaudière dans le puits et la remontait pleine, débordante. Ainsi, naturellement, il en répandait sur les planches recouvrant la source. Il avait bien rempli et retiré sa chaudière une quinzaine de fois lorsque, soudain, ses pieds glissèrent sur la planche mouillée et il disparut dans l’ouverture. En tombant dans le vide, ses mains s’accrochèrent au rebord du couvercle et, désespérément, se mit à appeler au secours. À trois arpents de là, l’employé du fermier sarclait des pommes de terre. Entendant les cris de détresse, il s’élança à toute vitesse vers le puits où quelques minutes plus tôt, il avait aperçu le fils du patron. Pendant ce temps, le garçon hurlait de peur. Fébrilement, ses mains serraient la planche à laquelle il était accroché, à laquelle il était suspendu. Si ses forces le tra-