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Apothéose d’octobre


Ce dernier dimanche d’octobre était si beau, si ensoleillé, si radieux que je n’ai pu résister à la tentation d’aller passer quelques heures dans ma campagne. À peine sorti de la ville, l’automne m’apparut dans toute sa gloire. De chaque côté de la route, le feuillage des arbres était une symphonie de couleurs qui charmait tout l’être, me plongeait dans le ravissement. Je voyais le vert des sapins, le jaune des peupliers et des trembles, le rouge pourpre des vinaigriers, le brun des nobles feuilles de chênes. Une merveilleuse orchestration. J’allais émerveillé, impatient cependant d’arriver au petit coin de terre qui me tient si fort au cœur. Lorsque j’aperçus ma maison, blanche d’une éclatante blancheur au milieu du gazon vert, entre les branches dépouillées des arbres, une grande joie entra en moi. Cette maison blanche était une vision de rêve, non par ses lignes et ses proportions architecturales, car elle est extrêmement simple, très modeste, mais pour ce qu’elle représente pour moi. Elle est le havre, la retraite où un homme las de la foule turbulente, des multitudes enfiévrées, épileptiques, entraînées dans un mouvement perpétuel, se repose en paix. En la revoyant, c’était comme si je retrouvais un être cher dont j’aurais été séparé depuis des mois.

Le chaud soleil mettait un rayonnement sur cette demeure des jours d’été, il l’enveloppait d’un vêtement de lumière, la transfigurait. Au-dessus de ma tête, le ciel avait les tons irisés de l’opale et la rivière que l’épais rideau de feuilles des arbres me cachait partiellement il y a peine un mois, m’apparaissait maintenant dans toute sa beauté. Je voyais ses détours, ses méandres, ses rives bordées de villas aux toits bleus ou rouges. Les regards n’étaient plus bornés comme alors. Il y avait maintenant de l’espace, de la perspective et le paysage aux tons colorés de l’au-