Page:Laberge - Hymnes à la terre, 1955.djvu/49

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Le jeune prêtre


Dans le petit chemin, sous les grands liards, près de la vieille maison ancestrale où j’ai médité pendant tant d’étés sur le problème de la vie en me récitant les quatrains d’Omar Khayyam, un jeune prêtre se promène à son tour en lisant son bréviaire. Il accomplit ce devoir consciencieusement. C’est un esprit candide et simple. Jamais le doute n’a effleuré son âme et ne l’effleurera jamais. Sa foi est aveugle. Il traversera la vie et il mourra avec les mêmes croyances qu’il avait à quinze ans. Chaque jour, je le vois marchant à pas lents dans cet étroit chemin que j’avais foulé des milliers de fois en me pénétrant de la profonde vérité et de l’inébranlable logique du petit livre du vieux poète persan. Sa sagesse m’a donné la certitude qu’il importe de connaître et je possède la paix, la tranquillité d’esprit qui font le charme de la vie.

Le jeune prêtre aussi a une âme sereine. Il n’a jamais lu et ne lira jamais les strophes d’Omar Khayyam, mais chaque jour, fidèlement, il ressasse les pages latines de son bréviaire. Rien ne peut le troubler. Dans le havre de la foi, son esprit est à l’abri des orages intérieurs. Il n’a aucune vaine curiosité, mais il a la certitude que s’il observe les préceptes de sa religion, il sera sauvé et possédera les joies éternelles.

Moi, je n’en demande pas tant. Je goûte la beauté et le charme de chaque heure et je partirai satisfait et content.