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fin de roman

Le repas du soir fut silencieux. Chacun était déjà oppressé par la séparation prochaine.

Irene dormit très mal cette nuit-là. Il lui en coûtait fort de s’arracher à cet asile de paix.

Elle savait que jamais plus elle ne reverrait ces bienveillantes amis qui l’avaient si cordialement accueillie et lui avaient témoigné une si sympathique compréhension ; elle savait que jamais plus elle ne reviendrait dans cette hospitalière petite maison blanche ; que jamais plus elle ne rêverait devant la calme rivière qui avait pour ainsi dire bercé son pauvre cœur blessé et endolori, qui lui avait versé le réconfort et l’oubli.

Elle avait l’impression d’être liée à ces êtres, à ces choses, à ce coin de terre par des sentiments qu’elle n’avait jamais éprouvés auparavant.

Après un sommaire déjeuner, car elle n’avait pas faim et se sentait le cœur serré, elle sortit sur la véranda, attendant le taxi qu’elle avait appelé. Puis, comme il entrait sur la pelouse, elle embrassa la joue ridée de Mme Lantier, serra la main de M. Lantier pendant que le chauffeur mettait ses deux valises dans la voiture pour la conduire à la gare.

Comme l’auto démarrait, par la fenêtre, elle agita la main vers ses vieux amis.

Elle ne les reverrait plus.

Elle leur disait adieu.

Elle s’en allait vers sa tragique destinée…