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fin de roman

bandit avait-il prévenu ce dernier par téléphone qu’un joueur qui avait gagné la forte somme allait sortir dans l’instant. C’était peut-être même l’un des compagnons de jeu de la victime qui avait donné l’information attendue par l’apache qui occupait probablement une chambre à quelques pas de là. Ce qui expliquerait la perfection avec laquelle le vol avait été perpétré. Ce n’était pas là un vol commis à tout hasard. L’homme qui avait joué du revolver savait que celui qui allait franchir le seuil de l’établissement avait sur lui un riche butin. »

J’étais stupéfaite, assommée, presque folle, anéantie. Je relisais la nouvelle qui était la sensation du matin dans le journal. Il me semblait : que c’était là un récit fantastique sorti de l’imagination d’un reporter ivre d’opium. Je n’avais plus ma tête à moi. Tout cela me faisait l’effet d’un horrible cauchemar. Mon futur mari qui m’avait laissée à minuit à mon hôtel était mort. C’était un gambler qui risquait chaque nuit de très fortes sommes sur la table de jeu. Quelle révélation ! Il m’avait avoué que les cartes étaient son vice, mais je supposais qu’il jouait pour se distraire, pour s’amuser, et non pour gagner sa vie. Une fois de plus, mon mariage était manqué, mais considérant ce qu’aurait été ma vie avec un gambler, je me demandais si je n’avais pas été chanceuse d’avoir évité une union avec un pareil partenaire.

Certes, j’avais de la peine de ce qui était arrivé, je regrettais la mort tragique du charmant homme que j’avais connu mais comme je n’aimais pas encore Louis Mercer d’un profond amour, que je n’avais pas pour lui un attachement indéfectible, je n’étais pas accablée par la douleur. Toutefois, je me rendais clairement compte que ma vie était vouée à des échecs, à des malheurs, à des ca-