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fin de roman

passionnément. Un peu avant minuit, il vint me reconduire à mon hôtel.

— Retournez-vous chez vous ? lui demandai-je en le quittant.

— Oh ! je vais jouer quelques parties de cartes au club. C’est mon vice qui me pousse là, mais soyez tranquille, je n’en ai pas d’autres. Chose certaine, après ce soir, je crois bien que j’y renoncerai pour quelque temps, car je préférerai passer mes soirées et mes nuits avec vous plutôt qu’à manier les cartes. À demain et bonne nuit.

Je montai à ma chambre me demandant si je connaissais réellement l’homme qui, après-demain, serait mon mari.

Le lendemain de cette soirée, il pleuvait à torrents. Je me dis que mon futur me téléphonerait sûrement pour m’informer qu’il viendrait me chercher pour dîner. Comme il était impossible de sortir par cette température, je me dis que je passerais l’avant-midi à l’hôtel. Alors, pour me distraire, j’achetai un journal d’un jeune vendeur qui était entré dans la rotonde. « Gambler assassiné et volé » était la manchette qui s’étalait sur toute la largeur de la première page. Je restai saisie, prise d’une inquiétude inexplicable, agitée d’un funeste pressentiment. Je lus le fait divers.

« Un joueur de cartes, un gambler du nom de Louis Mercer a été assassiné et volé vers les trois heures du matin alors qu’il sortait d’un club où il avait, selon son habitude, passé une partie de la nuit à jouer avec quelques familiers de l’endroit. Mercer avait eu cette nuit-là une veine extraordinaire. On estimait à neuf mille piastres la somme qu’il avait gagnée pendant les quelques heures qu’il avait passées là. Ses compagnons de jeu croyaient qu’il