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fin de roman

je n’aurais probablement pas eu la bonne fortune de vous rencontrer.

— Ne trouvez-vous pas que voilà des sujets bien graves pour des gens qui ne se connaissent pas et qui viennent ici pour se reposer ou s’amuser ?

— Je vois que vous êtes une personne sage qui ne parle pas pour ne rien dire.

— Franchement, je bavarde rarement. Vous êtes la première personne avec qui j’ai échangé quelques phrases depuis mon arrivée ici.

— J’espère bien que j’aurai de nouveau le plaisir de vous rencontrer. Je vais chaque après-midi à la plage. Et vous ?

— Moi, de même.

— Alors, je vous quitte en espérant vous retrouver demain.

Et il s’éloigna.

Je n’aime pas à causer avec des gens que je ne connais pas, mais je me trouvais en pays étranger et comme je n’avais encore parlé à aucun des visiteurs à Miami, j’avais cédé au besoin de me délier un peu la langue. L’homme d’ailleurs paraissait intéressant. Il avait une figure plaisante avec toutefois une expression un peu dure, énergique. On sentait en lui une volonté ferme. Ses traits étaient d’une régularité remarquable. Ses yeux gris semblaient scruter la pensée de l’interlocuteur. Solidement bâti il était toutefois un peu court. À voir ses cheveux noirs qui commençaient à grisonner aux tempes, on pouvait deviner qu’il avait trente-six ou trente-sept ans.

Lorsque j’arrivai le lendemain à la plage, je jetai un coup d’œil autour de moi mais il y avait une foule de baigneurs et de baigneuses et je ne pus reconnaître l’hom-