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fin de roman

sultat que tu déplores aujourd’hui. Ah oui ! je suis un ingrat. J’ai bénéficié de tes largesses et je te trompe. Accable-moi. Que ne m’as-tu laissé en paix ? C’est toi qui as couru après moi et tu me fais aujourd’hui des reproches. Tu voulais un homme à tout prix et tu m’as choisi. Mon erreur a été de me laisser prendre. J’ai rencontré l’amour ailleurs. Cela devait arriver. Demande le divorce comme l’autre.

— Je te laisse cela à toi, lui répondis-je.

Réalisant que tout était absolument fini entre mon mari et moi, que mon mariage avait sombré, je vendis les meubles que j’avais achetés autrefois, laissai la maison, me louai ailleurs une petite chambre et me cherchai un emploi. La chance me favorisa. Je décrochai la charge de vendeuse dans un magasin de chapeaux d’un modèle exclusif à l’enseigne Chez Mme de Sévigné. La patronne était une Française de beaucoup de goût qui travaillait pour les personnes de la haute société. Après une entrevue avec une cliente, elle dessinait un modèle de chapeau, modèle qui convenait à la figure de la grande dame. Deux assistantes fort habiles confectionnaient ensuite l’originale coiffure. Parfois, la propriétaire de l’établissement cédant à une inspiration exécutait des créations d’une audace et d’une élégance qui ravissaient les visiteuses. C’était ces chapeaux si personnels que j’étais chargée de vendre. J’aimais ce genre d’occupation et, peu à peu, je reprenais mon aplomb après la catastrophe que j’avais traversée. Six mois s’écoulèrent. Je n’avais pas revu mon mari et ne désirais aucunement avoir de ses nouvelles. Tout ce que je voulais, c’était d’oublier si possible, ce cruel épisode de ma vie. Je menais une existence très tranquille. La seule distraction que je me permettais était de m’offrir quelque samedi soir un souper