Page:Laberge - Fin de roman, 1951.djvu/194

Cette page a été validée par deux contributeurs.
186
fin de roman

mode, les places où l’on rencontre les gens riches ou qui veulent se faire passer pour riches, même s’ils ne le sont pas. Partout, dans tous ces endroits fashionables, elle avait traîné son pauvre cœur meurtri. Nulle part, elle n’avait pu goûter pleinement la beauté et le charme de la nature qui s’offrait à elle. Ici, c’était différent. Elle était chez des connaissances et elle se trouvait dans un décor discret et paisible où elle pourrait savourer la douceur de laisser fuir les minutes et les heures sans aucune préoccupation, où elle pourrait se reposer et se laisser vivre sans penser à autrefois.

— Bon, alors, reposez-vous pendant que je vais préparer le dîner, fit Mme Lantier, comprenant que des paroles oiseuses et indifférentes fatigueraient la visiteuse. Je vous appellerai tout à l’heure.

Sachant qu’elle devait une explication à ses amis, qu’il était impérieux de les éclairer sur sa situation, elle attendit le moment favorable. Comme ils étaient assis sur la véranda après le lunch et qu’ils respiraient le parfum des phlox à côté d’eux, Irene Dolbrook commença : « Vous avez été bien aimables de m’inviter à venir chez vous. Maintenant, je vais vous raconter quelques chapitres de ma vie. Pour commencer, je vous dirai que j’ai toujours eu un grand besoin d’affection, mais qu’il n’a jamais été comblé. Tout ce que j’ai connu a été des désillusions et des désenchantements. Je vous dirai que même si aujourd’hui, je rencontrais une affection sûre, réconfortante, je ne me sentirais pas heureuse, car j’aurais toujours la crainte qu’il ne survienne une catastrophe comme celles que j’ai connues. Chose étrange, c’est dans ma famille que j’ai commencé à ressentir ce manque d’affection. Je vous déclare franchement que ma mère ne m’a jamais aimée. Nous étions