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fin de roman

La tante paraît bien désappointée.

— Puis, que voudriez-vous faire d’un piano ? continue la nièce. Vous ne savez pas en jouer.

— Je ne sais pas jouer du piano, mais il n’est pas nécessaire de jouer des airs. Je pourrais lui faire rendre des sons.

Et ce disant, elle tapote sur un clavier imaginaire.

— Je ne jouerais pas lorsqu’il y a de la visite, ajoute-t-elle, mais lorsque nous sommes seules. Et ce serait un grand plaisir pour moi. Toute ma vie, j’ai désiré avoir un piano, puis lorsque je pourrais en acheter un pour vingt-cinq piastres, je ne peux le faire entrer dans la maison.

— Vous êtes bien malchanceuse, fait le neveu d’un ton sympathique.

— Vous en aurez peut-être un au ciel, déclare la nièce en manière d’encouragement, mais on ne sait si elle est sincère ou si elle se moque.

Mais la tante reste inconsolable.

Le portrait au grenier

La tante et sa nièce ont reçu la visite d’un parent, le filleul du vieux grand-père mort il y a plus de quarante ans. C’est aussi le neveu de la tante Françoise. Toute sa vie s’est écoulée aux États-Unis et c’est sa première visite au pays depuis son départ à dix-sept ans. Il a vécu avec les Américains, mais il n’a pas oublié les siens. Il avait quinze ans lorsque son parrain est décédé et il avait assisté aux funérailles. « Je me rappelle que ce jour-là, il ventait si fort qu’on aurait cru que quelqu’un nous poussait dans le dos, nous bousculait », raconte-t-il. « Depuis, je n’ai jamais vu un si grand vent. »