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fin de roman

Tu es ennuyante

La nièce Zélie est allée chercher son fer à repasser que la voisine lui avait emprunté et dont elle a besoin. Elle rentre et, sans vain bavardage, s’apprête à faire sa besogne.

La tante — Que tu es donc ennuyante. Tu ne m’dis jamais rien. Quand tu ouvres la bouche, c’est pour dire qu’il fait chaud, qu’il fait humide, qu’il vente fort. Tu ne parles jamais que du temps. Pour ça, je pourrais lire l’almanach et être renseignée d’avance.

La nièce — Ben, je ne peux pas vous raconter des histoires comme celles que vous écoutez à la radio. Je n’écris pas de romans, moi. Tout simplement, je m’occupe de mon jardin.

La tante — Tu sais, compte pas sur mon argent. Mon testament est fait et je ne te laisse rien. Tu en as assez.

Des accusations

En dépit des concessions de Zélie, la tante n’est jamais satisfaite. Trop longtemps, elle a souffert, maintenant, elle est inapte à la vie calme et paisible. Et depuis quelque temps déjà, l’atmosphère est lourde dans la maison des deux femmes. Voilà quinze jours au moins que la tante et la nièce ne se parlent pas. Toutes deux ruminent des choses qu’elles gardent en elles-mêmes mais qui sortiront un jour. La tante Françoise a le regard mauvais. Enfin, elle éclate :

— C’est un grand malheur d’appartenir à une famille comme la tienne. J’ai fait mon purgatoire sur la terre en vivant avec vous autres.