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fin de roman

rendue au lendemain soir pour le revoir. La journée lui parut bien longue et le travail terriblement monotone.

Elle attendait l’amour, elle était prête pour l’amour.

Le soir, lorsqu’il arriva, il vint s’asseoir à la table où elle était déjà installée. Son nom était Francis Mérou. « Les camarades m’appellent Frank »,dit-il. Tout en mangeant, ils causèrent longuement. C’est ainsi qu’elle lui parla un peu de sa mère chargée de famille qu’elle était obligée d’aider, de sa sœur Rosalba, qui prenait soin d’une vieille dame, de son père parti on ne savait où. Puis elle dit sa peur de l’avenir, de la vie si dure, si difficile, et elle ajouta que pour se protéger, elle mettait de côté de petites sommes. L’aviateur Mérou l’écoutait avec un vif intérêt. Lui aussi, disait-il, avait une vieille mère dont il devait s’occuper. Elle était malade, souffrait du cancer et avait déjà subi une grave opération. « Alors », ajouta-t-il, « je lui ai abandonné pendant longtemps la moitié de mon salaire, mais il est survenu une difficulté. Lors de ma disparition, on m’avait cru mort et par suite, mon nom avait été rayé de la liste de paye. Puis, lorsque, à mon retour au pays, je me suis présenté aux autorités et que j’ai réclamé mon dû, on m’a informé qu’il y avait un autre aviateur du même nom que moi qui était en service actif et l’on paraissait me considérer comme un imposteur. Ces deux noms identiques dans le même corps de l’armée prêtaient à la confusion, embrouillaient les secrétaires et faisaient une véritable énigme de la question. Cela n’est pas encore réglé. Réellement, je devrais recevoir plus de $2,000 en arrérages de paye. Cela viendra un jour, mais je trouve le temps bien long, car j’ai besoin de mon argent ».

Luce compatissait de tout cœur à ses troubles. Après avoir couru tant de dangers, il lui paraissait de la dernière