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fin de roman

renfermaient quatre lits tandis que la quatrième qui était l’infirmerie n’en contenait que deux. Si l’un des vieux tombait malade on le conduisait là et il était traité suivant son cas. Une inscription encadrée : PENSEZ À L’ETERNITÉ inspirait de salutaires réflexions à celui qui entrait dans cette pièce. La grave interrogation : VOULEZ-VOUS LE CIEL OU L’ENFER ? confrontait les vieux lorsqu’ils pénétraient dans le réfectoire.

À la fin de sa première semaine de travail, Luce s’enhardit à demander à Madame Gertrude si elle était satisfaite de ses services.

— Parfaitement, et voici ton dû, fit celle-ci en lui remettant sept piastres et une médaille de la Vierge.

Luce devint ainsi l’une des zélatrices de la maison des Douze pauvres du bon Dieu.

Des vieux, c’est pas beau. Des vieux pauvres, c’est franchement laid, mais les vieux pauvres des hospices, c’est bien pénible à voir.

Les Douze pauvres du bon Dieu formaient un groupe bien affligeant. Il y en avait un qu’on avait surnommé Job parce qu’avec sa barbe à poux et son air misère il faisait songer au patriarche hébreu sur son fumier. Puis, c’était Michel Leroux avec un goitre énorme et repoussant, le père Joson dont le tour des yeux était tout rouge, Timothée Perros dont la lèvre inférieure était toujours tombante comme celle d’un chien hors d’haleine. Tous ces hommes étaient des déchets humains. Ils n’avaient absolument aucune ressource et tous, à l’exception d’un seul, Simon Bornet, étaient sans parents, sans amis. Bornet, lui, avait un neveu, M. Léon Bornet, qui venait le voir trois ou quatre fois par an.