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fin de roman

du bon Dieu. J’ai recueilli douze vieillards sans moyens et sans gîte. Je les loge, je les nourris et je les habille par charité. Je veux faire mon salut et j’aide les pauvres, j’en prends soin. Notre Seigneur a dit : « Un verre d’eau donné en mon nom sera récompensé » et « Celui qui donne aux pauvres prête à Dieu et sera payé au centuple ». Alors, je tâche de me conformer à ses enseignements. Mais prendre soin des pauvres est une dure tâche. Si tu veux m’aider, te dévouer pour ces déshérités, toi aussi tu auras ta part de mérite et tu pourras espérer recevoir ta récompense un jour.

— Oui. Mais en attendant, j’aurai un salaire, j’espère.

— Oui, tu recevras un salaire, mais je constate que tu n’as pas beaucoup la vocation. Tu penses trop à l’argent.

— Peut-être, mais je travaille pour gagner ma vie et il faut que j’aide ma mère. Puis, vous savez, toutes les femmes ne sont pas des saintes comme vous, protesta Luce.

Flattée par ce compliment, la femme annonça : « Écoute, il est inutile de parler des conditions maintenant. Tu vas faire une semaine et si tu me conviens et si je te conviens, nous ferons des arrangements. »

La directrice de l’établissement, la fondatrice de la maison des Douze pauvres du bon Dieu était une vieille demoiselle qui, pour se donner plus de prestige, se faisait appeler Madame Gertrude. Elle avait comme assistante une ancienne institutrice, Mlle Colas, qui aurait voulu se faire religieuse mais qui, pour aider ses parents dans l’indigence, avait sacrifié sa vocation et était restée dans l’enseignement. Maintenant qu’ils étaient morts, elle avait décidé de participer à l’œuvre des Douze pauvres du bon Dieu et elle exerçait l’humble fonction de cuisinière, se rappelant que Jésus avait dit que, dans son royaume, les derniers seront