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fin de roman

ronnes de fleurs. À ce moment, bien que très jeune, elle s’était rendu compte que jamais ni elle ni aucun des siens ne s’en irait en terre avec une telle profusion de fleurs.

— Ben, ma vieille, avait déclaré la mère Botiron qui était avec sa fille, si je mourais ou si tu mourais, tout ce qu’on aurait, nous autres, ce serait un bouquet de pissenlits.

Un passant avait regardé la mère Botiron et, d’un accent de colère et de révolte, s’était exclamé : « Regardez donc ça ! » tandis que des deux mains, il faisait un geste indiquant ce bout de cercueil que l’on allait enterrer avec tant de luxe.

Au bureau de placement où la mère Botiron et Luce s’étaient rendues deux jours après leur arrivée à la ville, on leur remit une adresse où la fillette pourrait obtenir un emploi. Elles s’y rendirent immédiatement. C’était une maison à trois étages dans laquelle habitaient trois personnes : le père, la mère et le fils. Le père, M. Léon Pelle, occupait le sous-sol, la mère, Mme Alice Pelle avait ses appartements au rez-de-chaussée, tandis que le fils, Adrien Pelle, logeait au premier.

— Elle est jeune, elle n’a pas d’expérience, alors je ne peux pas payer un gros salaire, déclara la dame. Je lui donnerai huit piastres par mois.

La mère Botiron s’attendait à mieux mais elle accepta.

— Je viendrai chercher ses gages à la fin du mois, car c’est à moi que vous les paierez, déclara-t-elle. J’ai une nombreuse famille et je suis dans le besoin. C’est l’aînée et il faut qu’elle m’aide.

Luce entra donc en service chez la famille Pelle. En réalité, c’était une étrange maison que celle-là. Confiné dans son sous-sol, le père ne se mêlait en aucune façon à la vie de sa femme et de son fils. Quelque drame