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fin de roman

sins. Un jour, ils avaient brisé une grande vitre dans la montre d’un magasin et la compagnie d’assurance avait dû payer soixante piastres pour la faire remplacer.

Un été, Oscar, le plus âgé, avait décidé de jouer au bourreau. Alors, lui et son frère avaient érigé une espèce de potence à laquelle ils pendaient les chiens et les chats qu’ils pouvaient capturer. « De vrais monstres, ces enfants-là »,déclaraient les voisins.

Le coq du plombier et celui du cantonnier chef se battaient constamment. Toujours on les voyait se faisant face, bondissant l’un vers l’autre. Cela était devenu si fatigant qu’on avait fini par en tuer un pour faire cesser ces duels agaçants à voir.

Un jour, elle était montée dans l’échelle du sémaphore à la gare et quelques jeunes garçons réunis là la regardaient grimper. Alors, l’un d’eux avait crié d’un ton moqueur : « Luce n’a pas de poil ! Luce n’a pas de poil ! » Et la bande des gamins avait répété en chœur : « Luce n’a pas de poil ! » pendant que celle-ci dégringolait les échelons et, honteuse, s’enfuyait chez elle sous les quolibets des gars.

Étendue sur sa paillasse, elle entendait un soir un chien qui hurlait. Il avait hurlé tard, très tard. Même, l’on devait être plus qu’à la moitié de la nuit et il hurlait encore on ne savait pourquoi, dans les ténèbres, et l’empêchait de dormir. Au matin, elle avait appris que la maîtresse de la bête, une vieille femme de plus de quatre-vingt ans, était morte subitement cette nuit-là.

Elle était l’amie de la fillette du vidangeur et, chaque semaine, elle montait avec celle-ci sur le siège de la voiture alors que l’homme ramassait les ordures ménagères et vidait les poubelles malodorantes dans son wagon.

C’était là sa promenade.