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Jérôme était désigné sous le nom générique de « le Nord. » Quand on disait ce mot, c’était alors comme le bout du monde.

Les commencements, comme toute place nouvelle, furent pénibles et laborieux. Les hommes de 40 ans se rappellent encore le temps où les vivres étant extrêmement chers, des familles pauvres étaient obligées de faire la soupe avec des herbes et des feuilles pour s’empêcher de mourir de faim par cette seule et triste nourriture. Comme les chemins n’étaient point ouverts, on s’attelait sur une charrette ou l’on portait sur son dos un sac de cendre chez le marchand le plus voisin qui donnait en retour quelques livres de farine d’une qualité très inférieure et à des prix exorbitants. Les anciens, pour stimuler le courage de leurs enfants, aujourd’hui colons du nord, à s’enfoncer dans les montagnes, font souvent allusion à ces temps durs et difficiles. Les constitutions ne souffrirent pas de ces rudes épreuves : au contraire les générations qui survinrent immédiatement n’en furent que plus fortes et plus robustes.

À force de volonté, d’énergie et de persévérance, les colons vainquirent tous les obstacles et à mesure que les années s’écoulaient, la paroisse devenait de plus en plus prospère. Elle engendrait d’autres paroisses qui sont aujourd’hui Ste. Sophie, St. Hypolite, St. Sauveur, Ste. Adèle, Ste. Agathe, Ste. Marguerite, Ste. Lucie, St. Donat, sans parler des cantons de Howard, Montcalm, Salaberry, Wolfe, Clyde, Grendison et Archambault, qui commencent à s’établir. Ces nouvelles paroisses faisaient la prospérité et la gloire de la mère. Ne faisant qu’un cœur avec St. Jérôme, elles défendaient énergiquement des intérêts qui étaient identiques. Là est le secret de la vitalité de St. Jérôme et des liens intimes qui l’unissent au Nord. Ne soyons pas surpris si St. Jérôme veille à la colonisation du Nord comme à la prunelle de son œil, en l’activant de toutes ses forces. Qui le croirait, qu’en arrière de St. Jérôme, il y a déjà, une population de 12,000 à 15,000 âmes, et des habitations continues jusqu’à 100 milles dans l’intérieur. En peu d’années, St. Jérôme devint le centre commercial du Nord, et, après une lutte énergique, le chef-lieu du comté.

Le village actuel où l’on ne voyait en 1840, que deux ou trois maisons et un vieux moulin, florissait à vue d’œil, à tel point qu’il excitait parfois la jalousie de ses rivaux.

Ce village qui a toujours été l’âme de ce progrès par l’esprit d’initiative de ses principaux citoyens, est admirablement situé pour commander, dans l’avenir, à un grand commerce, continuer à servir de point d’appui à un puissant mouvement colonisateur vers la vallée de l’Ottawa, devenir une ville manufacturière importante et une des meilleures succursales de Montréal ; sous ces différents rapports, on peut dire que la position du village est stratégique.

De plus, il semble que toutes les beautés de la nature s’y sont données rendez-vous pour lui donner une apparence gaie et charmante. On entend le grondement des eaux qui se brisent sur les rochers. Au printemps, le spectacle des Chaudières de Hull n’est pas plus beau que celui des chutes Sanderson, à présent la propriété de l’Hon. Juge Berthelot. Dans ce beau village, on aime à jouir de la vue des montagnes, des cascades, des bosquets d’arbres qui l’environnent comme d’une couronne de verdure.

Au milieu, la rivière du nord coule ses flots, tantôt rapides, tantôt tran-