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gouvernement et rien de plus facile que de le forcer à s’en acquitter noblement.

Nous avons des familles nombreuses, il est vrai, mais en retour nous avons un territoire immense à peupler, des ressources extraordinaires à développer et la divine Providence, en favorisant la fécondité de nos familles, nous a dotés en même temps pour les établir de vastes domaines remarquables par leur fertilité. N’est-il pas à croire que Dieu en nous faisant naître sur le sol chéri du Canada, dans l’empire britannique, nous a marqué pour toujours notre place dans notre beau pays et non ailleurs ?

Pour tendre à ce but, il faut adopter un plan de colonisation en rapport avec les mœurs, les idées, les habitudes, et les besoins religieux et moraux des Canadiens-Français. On ne doit pas se contenter de dire : Oh ! que nous avons un grand nombre de bonnes terres à coloniser, et ensuite dormir tranquille ; mais il est nécessaire de conduire comme par la main, ces braves compatriotes dans ces belles terres, leur ouvrir, dans chaque canton, une route carrossable en communication avec les grands centres de commerce et leur procurer, aussitôt que faire se pourra, un prêtre et une humble chapelle. Le sentiment religieux chez les Canadiens-Français est plus fort que l’or, l’argent et la misère, parce que son point d’appui est au ciel. Faites vivre un prêtre dans un canton, construisez une modeste chapelle pour y dire la messe, et la colonisation de cette localité se fait comme par enchantement pourvu que l’on colonise graduellement et que l’on suive la zone des bonnes terres. Cette idée est confirmée par l’expérience des siècles. La moitié de l’Europe a été défrichée par le travail, le courage, les vertus et l’influence religieuse des bénédictins. L’impératrice de Russie Catherine II dit qu’elle avait souvent remarqué avec admiration l’influence des missionnaires sur la civilisation et l’organisation politique des peuples. « À mesure, dit-elle, que la religion s’avance, on voit des villages paraître comme par enchantement. » Il me sera permis d’ajouter à ce témoignage ce peu de mots : « J’ai fait percer des routes, j’ai seulement fixé le site des églises et les cantons se peuplent comme par enchantement et le gouvernement ne peut suivre, par ses arpenteurs, la marche rapide du colon. »

À l’ombre du clocher paroissial qui est pour lui le symbole du progrès, le Canadien a vu grandir et prospérer son pays ; et en apercevant, dans la forêt, le prêtre et la chapelle, ou seulement la place d’une église, il entrevoit dans un temps rapproché l’augmentation de la valeur de la propriété, le médecin, le notaire, le marchand, le moulin, la municipalité religieuse, scolaire et civile. Comment pourrait-il être déçu dans ces espérances ? C’est ainsi que ses ancêtres ont jalonné le Saint Laurent de magnifiques et florissants établissements. Il sait que l’homme ne vit pas seulement de pain, que s’il est pauvre sur la terre, il est riche dans le ciel et, si la mort se présente à lui, à sa femme, à ses enfants, avec son triste cortège, le médecin des âmes est là pour lui ouvrir les portes de la Jérusalem céleste. Peut-on reprocher à un chrétien de préférer le ciel à la terre ?

Que dire de la femme canadienne, cette ange de piété, ce modèle de toutes les vertus, ce trésor inappréciable de la famille, cette gardienne vigilante de l’innocence de ses enfants. Elle aussi aime pardessus tout à aller répandre ses ferventes prières au pied des autels. C’est là qu’elle ravive ses forces, se fortifie contre la souffrance et trouve sa principale consolation. C’est là que son âme sensible, tourmentée de mille inquiétudes, ne s’apaise que par le