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« Le Chant de la Paix »

montrer combien notre imagination nous porte souvent bien loin de la réalité…

Jean Desgrives, de plus en plus surpris par les paroles et l’attitude de cet inconnu, se sentit tout à coup envahit d’une suprême espérance. Acquiesçant à son désir, il se rassit afin d’écouter plus attentivement les révélations qu’il prévoyait déjà d’une importance capitale pour lui.

Après avoir réfléchi quelques moments, comme pour rassembler ses idées, l’étranger commença de sa voix grave le récit de ses extraordinaires aventures.

— C’était, disait-il, deux jours avant l’assaut qui devait décider du sort des alliés. Gardien de votre cabinet de travail il me fallait pour revenir à la caserne, une fois mon devoir accompli, traverser une rue très sombre. À cette époque, l’ennemi commençait déjà à pressentir sa défaite et vous redoutait tout particulièrement. Vous étiez donc voué, sans le savoir, à une étroite surveillance par leurs espions. Intrigués par votre travail mystérieux, et ayant appris qu’une grande offensive se préparait, ces misérables résolurent, par leur audace, de dévoiler vos secrets. C’est pourquoi connaissant mon passage dans cette rue déserte, ils m’assaillirent brutalement pour ensuite m’entraîner dans leur repaire, où prisonnier, je devais être témoin de leur travail infâme et apprendre le but de l’attentat dont j’avais été la victime. Se revêtant de mon uniforme puis se déguisant sous un maquillage habile, il voulait me remplacer dans mes fonctions de garde, afin de pouvoir, à la première occasion qui se présenterait, pénétrer dans vos appartements et voler vos secrets. Ce plan ébauché d’audace et d’ingéniosité leur réussit parfaitement. Jugez de ma surprise lorsque, plus tard, je les vis revenir avec les précieux documents. Voulant sans doute me torturer davantage, ce fut sous mes yeux qu’ils examinèrent le fruit de leur abominable vol, désirant que je fusse témoin de leur forfait. Sans s’en