Page:Labarre - Le chant de la paix, 19xx.djvu/80

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
80
« Le Chant de la Paix »

triste souvenir qui m’accable et m’a empêché de vous reconnaître plus tôt. J’espère que vous me pardonnerez et accepterez quand même mes humbles hommages ; je suis si confus d’avoir méconnu un instant le plus grand héros de la France.

— Je vols par vos paroles, que vous vous méprenez sur le sens des miennes. Je dois vous dire qu’il m’importe bien peu à cet Instant que l’on tombe à genoux devant moi et que l’on me proclame le sauveur de la France. Je sais trop bien que le manteau de gloire qui me recouvre n’est fait que du sang et de la bravoure de mes soldats. C’est précisément à cause de cela que J’ai voulu me soustraire aux louanges dont je me sentais Indigne pour pénétrer dans cette prison afin de revoir, de sauver, si c’est possible, l’héroïque jeune fille qui, plus que toute autre, mérite les honneurs de cette éclatante victoire.

— Hélas ! reprit le garde consterné, Je vois également par vos paroles que vous ignorez tout du drame qui s’est déroulé durant votre absence ! Je regrette d’être forcé de vous apprendre que la justice a suivi son cours ; cette frêle jeune fille a apparemment payé sa dette à la patrie… Je dois vous avouer que j’ai même sacrifié mon devoir de soldat pour préserver de la mort cette jeune fille que je croyais, comme vous, innocente… Éclairé par vos paroles, je n’eus qu’un désir, celui de sauver cette enfant malgré sa propre volonté. Chargé de l’exécution des condamnés, il était en mon pouvoir de trouver quelques moyens pour l’empêcher de payer de sa vie un crime qu’elle n’avait pas commis. Je suis heureux de vous affirmer, qu’elle n’est pas tombée sous les balles du peloton dont les fusils, grâce à une ruse, avaient été chargés à blanc… Jugez de ma surprise et de mon désespoir, lorsque je m’aperçus que rien n’avait pu éloigner la fatalité, et que sans avoir été atteinte, la jeune fille venait quand même d’être terrassée par la mort…