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Roman illustré du « Soleil »
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peuple, au risque de faire naître contre moi une haine sauvage. Traînée comme la plus misérable des créatures par les soldats ; ils me conduisirent, comme vous savez devant les juges. Sachant qu’il m’était, impossible de fournir des preuves de mon innocence, je ne voulus pas trahir inutilement le secret qui aurait incriminé injustement Jean Desgrives, mon complice. Je préférais mourir plutôt que de voir l’homme que J’avais tant aimé, se dresser sur mon passage en terrible justicier, et peut-être me condamner ; car pour Jean Desgrivcs, j’en suis sûre, je ne suis plus maintenant qu’une odieuse coupable…

— Tu as eu tort, Rita, Jean aurait cru, comme moi-même en tes paroles, et t’aurait certainement arrachée au supplice qui t’attend.

— Pour cela, madame, soyez assurée que même en croyant à mon innocence, Jean n’aurait pu empêcher la justice de suivre son cours. Questionné par les juges, il lui aurait été impossible de nier ma visite chez lui puisqu’elle était déjà connue des autorités. Étant seule à connaître le secret du passage mystérieux, qui donc, à leurs yeux, aurait pu commettre le vol des papiers ? Vous voyez bien que tout nous condamnait, qu’irrévocablement nous étions quand même perdus… Ne valait-il pas mieux garder ce silence, et en finir avec cette pénible vie. Pour moi, il n’y a que l’aveu du vrai coupable qui aurait pu me sauver, et qui sait si la haine que j’ai suscitée par mon aveu ne m’aurait pas malgré tout, rendue complice de ces misérables. Je suis perdue, je le sais bien, mais soyez assurée que c’est sans crainte que j’envisage la mort.

— Rita, il ne faut pas que l’irréparable forfait s’accomplisse. Ta mort ferait le malheur de toute ma vie, j’aurais l’impression d’avoir été ton bourreau. Ne suis-je pas en effet cause de tout le malheur qui t’arrive ? Comme tu dois éprouver pour moi une haine profonde ! Pourtant c’est bien involontairement va, que j’ai