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Roman illustré du « Soleil »
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nemis sur la terre, elle ne voyait qu’un monde trompé par son orgueil qui faisait s’entretenir les peuples dans une lutte sanglante et sans merci. Comme ils lui apparaissaient d’une sagesse infinie les commandements de Dieu qui disait aux hommes de s’aimer les uns les autres ! N’était-ce pas là le seul vrai moyen de se faire un peu de bonheur sur cette terre d’exil et de souffrances. On semblait avoir complètement oublié ces sages préceptes. Assoiffé de sang et de vengeance, chacun se sentait animé d’un même idéal et luttait pour une cause qu’il croyait la bonne. Rita plus que jamais voyait la folle, l’injustice des hommes et se sentait avide de la justice de Dieu. Il lui semblait impossible d’abandonner la vie sans espoir de réhabilitation, elle sentait le besoin de confier à ces feuilles blanches les preuves de son innocence et de son pardon. Il fallait à tout prix, après la grande victoire quelle prévoyait que Jean Desgrives, cet homme qui tenait entre ses mains le sort de la France, et qu’elle avait aimé d’un amour si absolu, puisse donner suite au projet qu’elle avait formulé dans son humble prière en faveur de la cessation de ces horribles massacres. Dans la confiance que lui apportait sa foi, il lui semblait qu’en cherchant à détruire la haine dans le cœur des hommes, c’était le meilleur moyen de ramener la paix et par conséquent le bonheur de l’humanité.

Comptant sur la Providence, elle écrivit donc pour Jean Desgrives une longue lettre. Puis l’esprit rasséréné, reprenant sa place sur son misérable grabat, elle ne tarda pas à s’endormir d’un profond sommeil.

Lorsqu’elle s’éveilla, le jour commençait déjà à poindre à l’horizon. Secouée d’un long frisson d’horreur, elle serra plus fortement la petite croix d’ivoire qu’elle portait à son cou. Dans une prière où passa toute son âme, elle supplia Dieu de lui pardonner ce mensonge qui allait dans un instant causer sa mort.