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« Le Chant de la Paix »

virait qu’à aggraver la situation ; le peuple, voyant en vous son complice, vous condamnerait tous deux : Alors, cette fille comme vous dites est innocente, non seulement son sacrifice n’aurait plus aucune utilité, mais il deviendrait le plus abominable des crimes, il perdrait à jamais la France, notre chère patrie… Avez-vous oublié avec quelle énergie, il y a un instant, vous proclamiez votre innocence ? N’avez-vous pas en dévoilant le travail infâme de l’ennemi montré au peuple l’importance de votre liberté ? Maintenant pour sauver une jeune fille qui volontairement s’est condamnée, vous abandonneriez la patrie ? Vous voyez bien que tout cela est impossible. Laissez, en cette circonstance, s’accomplir la justice de Dieu, ne cherchez pas à détruire par des sacrifices inutiles son acte héroïque.

— C’est juste, vos paroles viennent de m’éclairer, je me rends compte que je ne puis rien faire pour la sauver. La situation pour elle est sans issue ; je vengerai cruellement sa mort et l’ennemi verra en moi un terrible justicier. Avant de me quitter, promettez-moi, pour apaiser ma douleur, de chercher à la défendre contre les cruautés de la foule… Déjà les soldats qui l’entourent repoussent avec difficultés le peuple qui veut la saisir… Pauvre peuple, tu ignores que celle que tu veux entraîner au supplice, s’est exposée à ta vengeance pour te sauver… Je maudis la guerre qui exige de tels sacrifices… Si un jour, Dieu permet que je revienne glorieux du combat, j’emploierai le reste de ma vie à combattre l’orgueil qui engendre la haine entre les nations.

Après avoir salué le soldat qui venait de lui rendre sa liberté, il s’en fut reprendre le poste qu’un instant il avait cru perdre à jamais, et commanda d’un geste à son armée. Bientôt, au son des tambours et des trompettes, les soldats avaient repris leur marche qu’une scène si pénible avait interrompue.