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Roman illustré du « Soleil »
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Au même instant le grand crucifix qui ornait la vieille tour du jardin brilla sous les rayons de la lune, rappelant à Rita que le suicide était un crime, et qu’elle n’avait pas le droit de disposer de sa vie. Comme sous l’effet d’un éclair sa conscience s’illumina et l’ignominie de son projet lui apparut. Alors la révolte gronda dans ce pauvre cœur que le destin semblait prendre plaisir à broyer, et ce fut avec des accents déchirants qu’elle cria sa douleur à Celui qui venait de lui rappeler son devoir.

Ah ! pourquoi, pourquoi, as-tu permis que je connaisse cet amour, puisque je ne devais pas être aimée ? Pourquoi n’as-tu pas mis une cuirasse à ce misérable corps ? Non, tu n’as pas voulu, tu avais peur sans doute que je ne souffre pas assez de ma disgrâce. Aujourd’hui, tu te dresses sur mon passage pour me rappeler que tu es mon maître, et torturant ma conscience comme tu torturas mon cœur, tu voudrais encore que je vive… Tu n’as donc pas pitié de mes larmes et de mon désespoir, tu veux donc que je doute de ta puissance, de ta bonté ? Puisque tu lis la détresse au fond des cœurs, pourquoi m’as-tu refusé la mort qu’aujourd’hui je cherche ? Arrache de mon âme cet amour impossible et tu reprendras en mol le trone que ma foi t’avait élevé.

À peine eut-elle prononcé ces mots qu’aussitôt la puissance de Dieu parut se manifester à ses yeux. Le grand Christ d’Ivoire sembla frémir sous l’ombrage, il sembla à la jeune fille que ses lèvres avaient remué. Elle porta la main à son front comme pour en chasser l’hallucination, et figée de stupeur, elle crut entendre une voix douce qui lui disait :

— Je vois tes larmes et j’entends tes sanglots ; malgré l’outrage que tu viens de me faire, je te pardonne et je viens à toi. Ne suis-je pas moi-même une victime d’amour ? J’ai aimé le monde, et c’est en me crucifiant à cette croix que le monde a répondu à