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« Le Chant de la Paix »

torpeur dans laquelle elle était plongée et machinalement elle porta la main à son cœur :

— Ah ! que je souffre murmura-t-elle sourdement. Soudain la lumière se fit dans son esprit encore enfiévré, tout lui apparut net et précis. Un grand cri rauque s’échappa de sa gorge comme un appel déchirant puis elle roula sur le parquet évanouie…

Combien de temps resta-t-elle ainsi ? elle n’aurait pu le dite, mais lorsqu’elle ouvrit les yeux, la nuit était complètement venue. La lune seule éclairait faiblement l’appartement où elle se trouvait. Péniblement elle se leva, puis se dirigeant vers la fenêtre, elle l’ouvrit. La fraîcheur de la nuit sembla apporter un peu de bien-être à son pauvre corps affaibli. S’asseyant, elle regarda longuement la lune glisser dans le ciel étoilé et faiblement, elle murmura :

— Ah ! ma dernière nuit… Pourquoi t’es-tu faite si belle ?… est-ce pour me faire sentir encore plus profondément ma douleur ? J’aurais préféré te voir sombre… sombre comme ma pensée en ce moment. Il m’aurait été moins pénible de te crier mes adieux, car c’est bien la dernière fols que je te contemple, nuit sereine… nuit si belle pour ceux qui ont le droit d’espérer et d’aimer… Tu sembles rire de mon malheur… toutes ces beautés que tu étales à mes yeux ne sont plus pour moi, tu le sais bien… Ô Jardin qu’on aura nommé le paradis des fleurs. Je vais mourir en te contemplant… Tu vas donc assister à mon agonie, mon corps en s’écrasant sur les rochers, m’arrachera peut-être quelques plaintes, qui seront l’écho de ma dernière chanson… Adieu, château béni où se sont écoulées les heures si douces de mon enfance… Adieu, vous qui avez eu pitié de moi, qui m’avez recueillie, je ne suis pas une ingrate, je vous aime bien mais il faut que je meure. Puis sa voix s’étrangla dans un long sanglot.