Page:Labarre - Le chant de la paix, 19xx.djvu/47

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
Roman illustré du « Soleil »
47

grandes joies, et tantôt les plus grandes douleurs. Il peut donc élever jusqu’à l’infini comme parfois, il peut avilir jusqu’à la plus dégradante bassesse… Il est donc notre maître absolu, à quoi bon lutter puisqu’il n’y a que la résignation et le temps qui peuvent effacer la blessure qu’il inflige au cœur des humains… Si je vous parle ainsi, Rita, c’est que vous m’apparaissez comme une sainte. L’amour vous a élevée vers l’infini… Si grande que vous paraisse la tâche que m’incombe mon devoir de général, malgré que j’aie à défendre les droits de mon peuple et à sauver ma patrie, je me sens bien petit lorsque je me compare à votre grandeur… Plus que jamais je comprends maintenant que c’est à nous deux que la France devra son salut : je serai le bras qui frappe, vous, vous serez, la force qui éclairera et dirigera mes pas vers le triomphe… Lorsque je revendrai couvert de gloire, j’irai à le porte du cloître, crier :

— Voici celle qui vous a sauvés !

Oui, Rita, je pars plein d’espérance et plus que jamais sûr de la victoire puisque j’aurai maintenant une sainte qui priera pour moi, et c’est pourquoi je ne veux pas en partant pour cette bataille décisive, vous dire adieu, mais je crie plutôt : « Vive la France ! » et « à bientôt ! »

Puis, précipitamment, Jean s’éloigna. Le bruit de ses pas sur le parquet de marbre troubla seul le silence du château, puis tout redevint silencieux…

Assise dans son fauteuil, blanche comme un suaire, telle une statue, Rita ne semblait pas souffrir ; c’était la première phase d’une vraie douleur.

Dans ces instants, c’est un duel qui s’engage entre le cœur et l’esprit ; de ces deux, l’un succombe parfois. Tout-à-coup une larme glissa sur sa joue pâle, et tomba sur sa main. Cette larme brûlante eut un effet magique. Aussitôt elle sembla s’éveiller de la