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Roman illustré du « Soleil »
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la chose il n’hésita pas un seul instant. Malgré que cette décision lui en coûtât beaucoup, il résolut d’espacer ses visites, espérant qu’en agissant ainsi son cœur retrouverait sa tranquillité d’autrefois. Pourtant il se trompait ; il ne tarda pas à comprendre que l’amour est bien le plus étrange mystère de la vie. Si dans des cœurs son empreinte demeure ineffaçable, dans d’autres, il faut souvent peu de temps pour que le souvenir s’efface. L’esprit ne peut commander aux sentiments du cœur. Jean faisait la triste expérience de tout cela. L’amour nouveau qui avait germé dans son âme, semblait croître à mesure qu’il cherchait à s’en défendre. Malgré son grand désir de rester fidèle au souvenir de Rita, il ne put repousser ni anéantir ce nouvel amour. Alors dans une vision des plus douloureuses, la douleur de Rita lui apparut. À cette pensée, son cœur se brisa. Il ne put retenir ses larmes.

— Pauvre enfant, se disait-il souvent, lorsque son esprit se reportait vers elle, si tu savais que l’amour qui sans doute ranime ton courage en ce moment, n’est plus partagé, aurais-tu la force de supporter ton injuste douleur ?… Non. sans doute, ton faible corps serait bien vite terrassé sous l’effet de ce coup terrible, inattendu… Je me rends compte, va, en ce moment que c’est mon devoir d’accepter toutes les souffrances pour moi seul… qu’il n’est plus en mon pouvoir d’éloigner de moi les terribles conséquences. Ma situation est sans issue, même en brisant ta vie je ne peux être heureux, ton image se dresserait sans cesse entre nous deux pour me reprocher mon lâche abandon… Puisqu’il est inutile et que de plus, ma conscience m’empêche de trahir mes serments, je me résigne à la volonté de la Providence. La vie exige de moi un suprême sacrifice, je l’accomplirai au prix même de mon propre bonheur… Rita, tu ignoreras toujours mon douloureux secret… il restera enfermé au fonds de mon cœur comme dans un tombeau…