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ÉLÉGIES.



Qu’aymer ſon fils ? Royne de Babylonne
Ou eſt ton cœur qui es combaz reſonne ?
Qu’eſt deuenu ce fer & cet eſcu,
Dont tu rendois le plus braue veincu ?
Ou as tu mis la Marciale creſte,
Qui obombroit le blond or de ta teſte ?
Ou eſt l’eſpee, ou eſt cette cuiraſſe,
Dont tu rompois des ennemis l’audace ?
Ou ſont fuiz tes courſiers furieus,
Leſquels trainoient ton char victorieus ?
T’a pù ſi tôt un foible ennemi rompre ?
Ha pù ſi tôt ton cœur viril corrompre,
Que le plaiſir d’armes plus ne te touche :
Mais ſeulement languis en une couche ?
Tu as laiſse les aigreurs Marciales,
Pour recouurer les douceurs geniales.
Ainſi Amour de toy t’a eſtrangee,
Qu’on te dirait en une autre changee.
Donques celui lequel d’amour eſpriſe
Pleindre me voit, que point il ne meſpriſe
Mon triſte deuil ; Amour peut eſtre, en brief
En ſon endroit n’aparoitra moins grief.
Telle i’ay vu qui auoit en ieuneſſe
Blamé Amour : après en ſa vieilleſſe
Bruler d’ardeur, & pleindre tendrement
L’âpre rigueur de ſon tardif tourment.
Alors de fard & eau continuelle
Elle eſſayoit ſe faire venir belle,
Voulant chaſſer le ridé labourage,