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ÉLÉGIES.


Souloit chanter de l’Amour Lesbienne :
Et à ce coup pleurera de la mienne.
Ô dous archet, adouci moy la voix,
Qui pourroit fendre & aigrir quelquefois,
En recitant tant d’ennuis & douleurs,
Tant de deſpits fortunes & malheurs.
Trempe l’ardeur, dont iadis mon cœur tendre
Fut en brulant demi réduit en cendre,
Ie ſen deſia un piteus ſouuenir,
Qui me contreint la larme à l’œil venir.
Il m’eſt auis que ie ſen les alarmes.
Que premiers i’u d’Amour, ie voy les armes,
Dont il s’arma en venant m’aſſaillir.
C’eſtoit mes yeus, dont tant faiſoit ſaillir
De traits, à ceus qui trop me regardoient.
Et de mon arc aſſez ne ſe gardoient.
Mais ces miens traits ces miens yeus me deſirent
Et de vengeance eſtre exemple me firent.
Et me moquant, & voyant l’un aymer.
L’autre bruler & d’Amour conſommer :
En voyant tant de larmes eſpandues,
Tant de ſouſpirs & prieres perdues,
Ie n’aperçu que ſoudein me vint prendre
Le meſme mal que ie ſoulois reprendre :
Qui me perſa d’une telle furie,
Qu’encor n’en ſuis après long tems guerie :
Et meintenant me ſuis encor contreinte
De rafreſchir d’une nouuelle pleinte
Mes maus paſſez. Dames, qui les lirez,