Page:Labé - Œuvres, t. 1-2, éd. Boy, 1887.djvu/82

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
68
DÉBAT


lontiers plaiſir à voir debatre les hommes, elles leur ferment quelquefois rudement la porte, & ne les apellent à leurs petites priuautez, comme elles ſouloient, voilà mon homme auſſi loin de ſon but comme n’a gueres ſ’en penſoit pres. Ce ſera à recommencer. Il faudra trouuer le moyen de ſe faire prier d’acompagner ſa dame en quelque Égliſe, aus ieus, & autres aſſemblees publiques. Et ce pendant expliquer ſes paſſions par ſoupirs & paroles tremblantes : redire cent fois une meſme choſe : proteſter, jurer, promettre à celle qui poſſible ne ſ’en ſoucie, & eſt tournee ailleurs & promiſe. Il me ſemble que ſeroit folie parler des ſottes & plaiſantes Amours vilageoiſes marcher ſur le bout du pié, ſerrer le petit doit : apres que lon ha bien bu, eſcrire ſur le bout de la table auec du vin, & entrelaſſer ſon nom & celui de s’amie : la mener premiere à la danſe, & la tourmenter tout un jour au Soleil. Et encore ceus, qui par longues alliances, ou par entrees ont pratiqué le moyen de voir leur amie en leur maiſon, ou de leur voiſin, ne viennent en ſi eſtrange folie, que ceus qui n’ont faueur d’elles qu’aus lieus publiques & feſtins : qui de cent ſoupirs n’en peuuent faire connoitre plus d’un ou deus le mois : & neamnoins penſent que leurs amies les doiuent tous conter. Il faut auoir touſiours pages aus eſcoutes, ſauoir qui va, qui vient, corrompre des chambrieres à beaus deniers, perdre tout un jour pour voir paſſer Madame par la rue, & pour toute remuneracion, auoir un petit adieu auec quelque ſouzris, qui le fera retourner chez ſoy plus content, que quand