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DÉBAT


Et de cette magnifique folie en demeure un long tems grand plaiſir entre les hommes, qui ſe deſtournent de leur chemin, font voyages expres, pour auoir le contentement de ces vieilles folies. En ſomme, ſans cette bonne Dame l’homme ſeicheroit & ſeroit lourd, malplaiſant & ſongeart. Mais Folie lui eſueille l’eſprit, fait chanter, danſer, ſauter, habiller en mille façons nouuelles, leſquelles changent de demi an en demi an, auec touſiours quelque aparence de raiſon, & pour quelque commodité. Si lon inuente un habit joint & rond, on dit qu’il eſt plus ſeant & propre : quand il eſt ample & large, plus honneſte. Et pour ces petites folies, & inuencions, qui ſont tant en habillemens qu’en contenances & façons de faire, l’homme en eſt mieux venu, & plus agreable aux Dames. Et comme j’ay dit des hommes, il y aura grand’diference entre le recueil que trouuera un fol et un ſage. Le ſage ſera laiſſé ſur les liures, ou auec quelques anciennes matrones, à deuiſer de la diſſolucion des habits, des maladies qui courent, ou à demeſler quelque longue genealogie. Les jeunes Dames ne ceſſeront qu’elles n’ayent en leur compagnie ce gay & ioly cerueau. Et combien qu’il en pouſſe l’une, pinſe l’autre, deſcoiffe, leue la cotte, & leur face mille maus : ſi le chercheront elles touſiours. Et quand ce viendra à faire comparaiſon des deus, le ſage ſera loué d’elles, mais le fol jouira du fruit de leurs priuautez. Vous verrez les Sages meſmes, encore qu’il ſoit dit que lon cherche ſon ſemblable, tomber de ce coté. Quand ils feront quelque aſſemblee, touſiours