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DE FOLIE ET D’AMOVR.


laquelle eſtant ennemie capitale de Folie, ne ſeroit raiſon qu’elle vouluſt iuger la cauſe. Et toutefois n’eſt Folie ſi inconnue ceans, qu’elle ne ſe reſſente d’auoir ſouuentefois eſté la bien venue, vous aportant touſiours auec ſa troupe quelques cas de nouueau pour rendre vos banquets & feſtins plus plaiſans. Et penſe que tous ceus de vous, qui ont aymé, ont auſsi bonne ſouuenance d’elle, que de Cupidon meſme. Dauantage elle vous croit tous ſi equitables & raiſonnables, qu’encore que ce fait fuſt le votre propre, ſi n’en feriez vous que la raiſon. I’ay trois choſes à faire. Defendre la teſte de Folie, contre laquelle Amour ha iuré : reſpondre aus acuſacions que i’entens eſtre faites à Folie : & à la demande qu’il fait de ſes yeus. Apolon, qui ha ſi long tems ouy les cauſeurs à Romme, ha bien retenu d’eus à conter touſiours à ſon auantage. Mais Folie, comme elle eſt touſiours ouuerte, ne veut point que i’en diſsimule rien : & ne vous en veut dire qu’un mot ſans art, ſans fard & ornement quelconque. Et à la pure verité, Folie ſe iouant auec Amour, ha paſsé deuant lui pour gaigner le deuant, & pour venir plus tot vous donner plaiſir. Amour eſt entré on colere. Lui & elle ſe ſont pris de paroles. Amour l’a taché naurer de ſes armes qu’il portoit, Folie s’eſt deſfendue des ſiennes, dont elle ne s’eſtoit chargee pour bleſſer perſonne, mais pource que ordinairement elle les porte. Car, comme vous ſauez, ainſi qu’Amour tire au cœur, Folie auſſi ſe getté aus yeus & à la teſte, & n’a autres armes que ſes doits. Amour ha voulu montrer qu’il auoit puiſsance ſur le cœur d’elle. Elle lui