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DE FOLIE ET D’AMOVR.


ont eſté miniſtres de la cruelle vengeance de Folie. Ceci n’empeſchera point la ſuite des choſes à venir. Iupiter compoſera tous ces trois iours en un, comme il fit les trois nuits, qu’il fut auec Alcmene. Ie vous apelle, vous autres Dieus, & vous Deeſſes, qui tant auez porté & portez d’honneur à Venus. Voici l’endroit ou lui pouuez rendre les faueurs que d’elle auez reçues. Mais de qui plus dois je eſperer, que de toy, Iupiter ? laiſſeras tu plorer en vain la plus belle des Deeſſes ? n’auras tu pitié de l’angoiſſe qu’endure ce poure enfant dine de meilleure fortune ? Aurons nous perdu nos veuz & prieres ? Si celles des hommes te peuuent forcer et t’ont fait pluſieurs fois tomber des mains, ſans mal faire, la foudre que tu auois contre eus preparee : quel pouuoir auront les notres, auſquels as communiqué ta puiſſance & autorité ? Et te prians pour perſonnes, pour leſquelles toymeſme (ſi tu ne tenois le lieu de commander) prierois volontiers : & en la faueur deſquelles (ſi ie puis ſauoir quelque ſecret des choſes futures) feras poſſible, apres certeines reuolucions, plus que ne demandons, aſſugetiſſant à perpetuité Folie à Amour, & le faiſant plus clervoyant que nul autre des Dieus. I’ay dit.

Incontinent qu’Apolon ut fini ſon accuſacion, toute la compagnie des Dieus par un fremiſſement, ſe montra avoir compaſſion de la belle Deeſſe là preſente, & de Cupidon ſon fils. Et uſſent volontiers tout ſur l’heure condamné la Deeſſe Folie : Quand l’equitable Iupiter par une mageſté Imperiale leur commanda ſilence, pour ouïr la defenſe de Folie enchargee à Mercure, lequel commença, à parler ainſi :