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DÉBAT


ſes iointes & ſerrees, montrant les mouuemens du corps bien diſposé : mile façons de bottines, brodequins, eſcarpins, ſouliers, ſayong, caſaquins, robbes, robbons, cappes, manteaus : le tout en ſi bon ordre, que rien ne paſſe. Et que dirons nous des femmes, l’habit deſquelles, & l’ornement de corps, dont elles uſent, eſt fait pour plaire, ſi iamais rien fut fait. Eſt il poſſible de mieus parer une teſte, que les Dames font & feront à iamais ? auoir cheueus mieus dorez, creſpes, frizez ? acoutrement de teſte mieus ſeant, quand elles s’acoutreront à l’Eſpagnole, à la Françoiſe, à l’Alemande, à l’Italienne, à la Grecque ? Quelle diligence mettent elles au demeurant de la face ? Laquelle, ſi elle eſt belle, elles contregardent tant bien contre les pluies, vents, chaleurs, tems & vieillesse, qu’elles demeurent preſque touſiours ieunes. Et ſi elle ne leur eſt du tout telle, qu’elles la pourroient deſirer, par honneſte ſoin la ſe procurent : & l’ayant moyennement agreable, ſans plus grande curioſité, ſeulement avec vertueuſe induſtrie la continuent, ſelon la mode de chacune nacion, contree, & coutume. Et avec tout celà, l’habit propre comme la feuille autour du fruit. Et s’il y ha perfeccion du corps, ou lineament qui puiſſe, ou doiue eſtre vù & montré, bien peu le cache l’agencement du vêtement : ou, s’il est caché, il l’eſt en sorte, que lon le cuide plus beau & delicat. Le ſein aparoit de tant plus beau, qu’il ſemble qu’elles ne le veuillent eſtre vù : les mamelles en leur rondeur releuees font donner un peu d’air au large eſtomac. Au reſte, la robbe bien iointe, le corps eſtreci