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DÉBAT


vent ſe trouuent entre eus qui pour ſauuer un païs, leur parent, & garder l’honneur de leur Prince, s’enfermeront dedens lieus peu defendables, bourgades, colombiers : & quelque aſſurance qu’ils ayent de la mort, n’en veulent ſortir a quelque compoſicion que ce ſoit, pour prolonger la vie à ceus que lon ne peut aſſaillir que apres leur ruine. Outre cette afeccion generale, les hommes en ont quelque particuliere l’un enuers l’autre, & laquelle, moyennant qu’elle n’ait point le but de gain, ou de plaiſir de ſoymeſme, n’ayant reſpect à celui, que lon ſe dit aymer, eſt en tel eſtime au monde, que lon ha remarqué ſongneuſement par tous les ſiecles ceus, qui ſe ſont trouuez excellens en icelle, les ornant de tous les plus honorables titres que les hommes peuuent inuenter. Meſmes ont eſtimé cette ſeule vertu eſtre ſufiſante pour d’un homme faire un Dieu. Ainſi les Scythes deïfierent Pylade & Oreste, & leur dreſſerent temples & autels, les apelans les Dieus d’amitié. Mais auant iceus eſtoit Amour, qui les auoit liez & uniz enſemble. Raconter l’opinion, qu’ont les hommes des parens d’Amour, ne ſeroit hors de propos, pour montrer qu’ils l’eſtiment autant ou plus, que nul autre des Dieus. Mais en ce ne ſont d’un acord, les uns le faiſant ſortir de Chaos & de la Terre : les autres du Ciel & de la Nuit : aucuns de Diſcorde & de Zephire : autres de Venus la vraye mere, l’honorant par ſes anciens peres & meres, & par les effets merveilleus que de tout tems il ha acoutumé montrer. Mais il me ſemble que les Grecs d’un seul ſurnom qu’ils t’ont donné, Iupiter, t’apelant