Page:Labé - Œuvres, t. 1-2, éd. Boy, 1887.djvu/48

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
34
DÉBAT


tel bandeau, que iamais ne ſera poſſible lui oter : par ce moyen voulant ſe moquer de toute l’ayde que tu lui pourrois donner : & encor que tu lui rendiſſes les yeux, qu’ils fuſſent neanmoins inutiles. Et pour le mieus acoutrer lui ha baillé de ſes eſles à fin d’eſtre auſſi bien guidé comme elle. Voilà deus iniures grandes & atroces faites à Cupidon. On l’a bleſsé, & lui ha lon oté le pouuoir & moyen de guerir. La plaie ſe voit, le delit eſt manifeſte : de l’auteur ne s’en faut enquerir. Celle qui ha fait le coup, le dit, le preſche, en fait ſes contes par tout. Interrogue la : plus tot l’aura confeſsé que ne l’auras demandé. Que reſte il ? Quand il eſt dit : qui aura tiré une dent, lui en ſera tiré une autre : qui aura arraché un œil, lui en ſera ſemblablement creué un, celà s’entent entre perſonnes egales. Mais quand on ha ofensé ceus, deſquels depend la conſeruacion de pluſieurs, les peines s’aigriſſent, les loix s’arment de ſeuerité, & vengent le tort fait au publiq. Si tout l’Vnivers ne tient que par certeines amoureuſes compoſicions, ſi elles ceſſoient, l’ancien Abime reuiendroit. Ôtant l’amour, tout eſt ruiné. C’eſt donq celui, qu’il faut conſeruer en ſon eſtre : c’eſt celui, qui fait multiplier les hommes, viure enſemble, & perpetuer le monde, par l’amour & ſolicitude qu’ils portent à leurs ſucceſſeurs. Iniurier cet Amour, l’outrager, qu’eſt ce, ſinon vouloir troubler & ruïner toutes choſes ? Trop mieus vaudroit que la temeraire ſe fuſt adreſſee à toy : car tu t’en fuſſes bien donné garde. Mais s’eſtant adreſſee à Cupidon, elle t’a fait dommage irreparable, & auquel