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DÉBAT DE FOLIE ET D’AMOVR.


conſomma- uniuerſelle : ton ſceptre, ton trone, ta mageſté en danger. Le ſommaire de mon oraiſon ſera conſeruer ta grandeur en ſon intégrité, en demandant vengeance de ceus qui outragent Amour, la vraye ame de tout l’Vniuers, duquel tu tiens ton ſceptre. D’autant donq que ma cauſe eſt tant fauorable, coniointe avec la conſeruacion de ton eſtat, & que neanmoins ie ne demande que juſtice : d’autant plus me deuras tu atentiuement eſcouter. L’iniure que ie meintien auoir eſté faite à Cupidon, eſt telle : Il venoit au feſtin dernier : & voulant entrer par une porte, Folie acourt apres lui, & lui mettant la main ſur l’eſpaule le tire en arriere, & s’auance, & paſſe la premiere. Amour voulant ſauoir qui c’eſtoit, s’adreſſe à elle. Elle lui dit plus d’iniures, qu’il n’apartient à une femme de bien à dire. De là elle commence ſe hausser en paroles, ſe magnifier, fait Amour petit. Lequel ſe voyant ainſi peu eſtimé, recourt à la puiſſance, dont tu l’as touſiours vù, & permets uſer contre toute perſonne. Il la veut faire aymer : elle euite au coup : & feingnant ne prendre en mal, ce que Cupidon lui auoit dit, recommence à deuiſer avec lui : & en parlant tout d’un coup lui leue les yeus de la teſte. Ce fait, elle ſe vient à faire ſi grande ſur lui, qu’elle lui fait entendre de ne lui eſtre possible le guerir, s’il ne reconnoiſſoit qu’il ne lui auoit porté l’honneur qu’elle meritoit. Que ne feroit on pour recouurer la joyeuse vuë du Soleil ? Il dit, il fait tout ce qu’elle veut. Elle le bande, & penſe ſes plaies en attendant que meilleure occaſion vinſt de lui rendre la vuë. Mais la traytreſſe lui mit un