Page:Labé - Œuvres, t. 1-2, éd. Boy, 1887.djvu/44

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
30
DÉBAT


bonne grace par mile nouueaus artifices : plorer, rire, chanter, & paſſionner la perſonne qui le voit. La lubricité & ardeur de reins n’a rien de commun, ou bien peu auec Amour. Et pource les femmes ou iamais n’aymeront, ou iamais ne feront ſemblant d’aymer pour ce reſpect. Ta mageſté Royale encores ha elle moins de pouuoir en ceci : car Amour ſe plait de choſes egales. Ce n’eſt qu’un ioug, lequel faut qu’il ſoit porté par deus Taureaus ſemblables : autrement le harnois n’ira pas droit. Donq, quand tu voudras eſtre aymé, deſcens en bas, laiſſe ici ta couronne & ton ſceptre, & ne dis qui tu es. Lors tu verras en bien ſeruant & aymant quelque Dame, que ſans qu’elle ait egard à richeſſe ne puiſſance, de bon gré t’aymera. Lors tu ſentiras bien un autre contentement, que ceus que tu as uz par le paſsé : & au lieu d’un ſimple plaiſir, en receuras un double. Car autant y ha il de plaiſir à eſtre baisé & aymé, que de baiſer & aymer.

ivpiter.

Tu dis beaucoup de raiſons : mais il faut un long tems, une ſugeccion grande, & beaucoup de paſſions.

amovr.

Ie ſay bien qu’un grand Signeur ſe fache de faire longuement la court, que ſes afaires d’importance ne permettent pas qu’il s’y aſſugettiſſe, & que les honneurs qu’il reçoit tous les iours, & autres paſſetems ſans nombre, ne lui permettent croitre ſes paſſions, de