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DE FOLIE ET D’AMOVR.


ne lui ſeruira de rien, & neanmoins ta pitié, bonté & diligence, ſeront recommandees. À cette cauſe tu ne dois diferer ce que cette poure afligee te demande : Et ainſi ie veus & commande que tu le faces.

mercvre.

C’eſt choſe bien dure à Mercure moyenner deſplaiſir à Venus. Toutefois, puis que tu me contreins, ie feray mon deuoir tant que Folie aura raiſon de ſe contenter.

ivpiter.

Et toy, Venus, quel des Dieus choiſiras tu ? l’affeccion maternelle, que tu portes à ton fils, & l’enuie de voir venger l’iniure, qui lui ha eſté faite, te pourroit tranſporter. Ton fils eſtant irrité, & nauré recentement, n’y pourroit pareillement ſatisfaire. À cette cause, choiſi quel autre tu voudras pour parler pour vous : & croy qu’il ne lui ſera beſoin lui commander : & que celui à qui tu t’adreſſeras, ſera plus aiſe de te faire plaisir en cet endroit, que toy de le requerir. Neanmoins s’il en eſt beſoin, je le lui commanderay.

venvs.

Encor que l’on ait ſemé par le monde, que la maiſon d’Apolon & la mienne ne s’acordoient gueres bien : ſi le crois ie de ſi bonne ſorte qu’il ne me voudra eſconduire en cette neceſſité, lui requerant ſon ayde à ceſtui mien extreme beſoin : & montrera par l’iſſue de cette afaire, combien il y ha plus d’amitié entre nous, que les hommes ne cuident.